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Navigation et autres usages du Rhin face aux défis du changement climatique – Conférence Débat

Le 20 septembre 2018 avait lieu au siège de la CCI Alsace Eurométropole à Strasbourg , une conférence-débat organisée par la CCI Alsace Eurométropole et le Consortium International pour le développement des voies navigables, dans le cadre du Projet Interreg Clim’Ability sur le thème des impacts du changement climatique sur la navigation sur le Rhin et les stratégies d’adaptation à mettre en place.

La CCI AE, dont la commission développement durable est présidée par Jean-Claude Riedel, s’investit dans l’accompagnement des entreprises face aux défis du changement climatique :

  1. La transition et l’autonomie énergétiques
  2. L’économie circulaire
  3. La responsabilité sociétale de l’entreprise
  4. L’anticipation et la préparation au changement climatique

Quant au Consortium International pour le développement des voies navigables, présidé par Philippe Trimaille, il a pour objectifs de promouvoir le transport fluvial, le développement de ses infrastructures et l’aménagement multi modal du corridor européen Rhin Rhône Méditerranée.

logo consortium

La conférence-débat s’est articulée en deux temps : aux interventions liminaires assurées par des experts scientifiques (projections des débits du Rhin) a suivi une table ronde composée d’acteurs du terrain (retour d’expériences).

I/ Scénarios d’évolution des débits du Rhin sous l’influence du changement climatique ?

Présentation du Dr Enno Nilson (Institut Fédéral d’hydrologie) 

La première intervention a été menée par le Dr. Enno Nilson de l’Institut Fédéral d’hydrologie. Il a présenté l’évolution  possible des scénarios des débits du Rhin (pour le 21è siècle).

Modélisations de scénarios

Le Dr Enno Nilson a présenté des modélisations de l’évolution des températures de 1880 à 2017. Ces graphiques mettent en évidence le réchauffement climatique : les 10-15 dernières années ont été les plus chaudes parmi les 60 dernières années. Ce réchauffement engendre des impacts négatifs pluriels pour la navigation fluviale (risque d’intensification des périodes d’étiages, augmentation de la température de l’eau, répercussions sur les coûts du transport, etc.).

L’analyse de l’historique de la navigation (20è siècle) montre que jusqu’à présent les baisses de trafic  seraient plutôt corrélatives aux guerres et aux crises économiques qu’aux étiages.

Les scénarios

La Commission centrale pour la navigation du Rhin  a repris les données du Rapport 2011 de la Commission Internationale pour la protection du Rhin pour la gestion des voies navigables en Allemagne. Ces travaux sont actuellement réactualisés dans le cadre d’un programme de recherche financé par le ministère des transports allemand.

Les 30 dernières années laissent ainsi entrevoir des périodes d’étiages relativement longues, sans caractère dramatique.  Les scénarios existants annoncent une augmentation des périodes d’étiage à l’avenir, avec une intensification des épisodes à partir de 2050.

Les étiages peuvent avoir des conséquences pour les coûts du transport fluvial :

D’ici 2021-2050

  • scénario optimiste : + 2% des coûts
  • scénario pessimiste : + 4% des coûts

D’ici 2071-2100

  • scénario optimiste : + 5 % des coûts
  • scénario pessimiste : + 9% des coûts

Pour se préparer à la modification du régime de ruissellement des solutions d’adaptation sont à identifier en combinant : l’innovation technique dans la construction des bateaux et leurs conditions d’exploitation (éco-conduites, adaptation du tonnage, etc.) et l’ingénierie hydraulique du Bassin du Rhin.

 

Télécharger la présentation  du Dr Enno Nilson (en allemand)

 

II/ Des scénarios à la stratégie d’adaptation du Rhin: l’approche de la Commission Internationale pour la  Protection du Rhin (CIPR)

Présentation d’Adrian Schmidt-Breton (Commission Internationale pour la Protection du Rhin) 

La deuxième intervention a été présentée par Adrian Schmidt-Breton du Secrétariat de la Commission Internationale pour la protection du Rhin -CIPR Coblence)

Le bassin du Rhin en chiffres

Chiffres sur le Rhin

La CIPR et les mandats

La CIPR est une commission internationale pour la protection du Rhin. C’est la 1ère commission environnementale du monde, fondée en 1950. Les Etats qui y participent sont les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, l’Autriche, le Liechtenstein, et l’Italie.

La CIPR a été mandatée par les sphères étatiques à plusieurs reprises :

  • En 2007, pour réaliser une étude de scénarios concernant l’impact du changement climatique sur le régime hydrologique du Rhin
  • En 2013, pour développer une stratégie d’adaptation au changement climatique pour le bassin international du Rhin
  • En 2020, pour faire le bilan des différents programmes et travaux lors de la nouvelle Conférence ministérielle

 

Les effets du changement climatique

La CIPR a identifié les effets directs du changement climatique sur le régime et la température de l’eau, ainsi que les effets indirects sur la biodiversité, la qualité de l’eau et son impact sur les différents usages.

 

Concernant les impacts sur l’eau, le nombre de journées où la température de l’eau est supérieure à 25°C va doubler de 2021 à 2050. Si l’on se base sur le scénario pessimiste, la température de l’eau devrait augmenter de 1,5°C de 2021 à 2050, et de 3,5°C de 2070 à 2100. En plus de cette augmentation importante, les hivers devraient être plus humides et les étés plus secs. Autrement dit, les phénomènes extrêmes risquent d’être plus fréquents : inondations et sécheresses, entrainant des effets négatifs pour la navigation fluviale.

Les étiages

Adrian Schmidt-Breton a également abordé le problème des impacts du changement climatique sur les étiages. On sait que les étiages sont déjà de plus en plus fréquents, avec des épisodes particulièrement marqués en 2003, 2009, 2011, 2015 et 2018. Un rapport de 2018 (N° 248 de la CIPR), démontre que par rapport à la première moitié du 20e siècle (période de référence) le nombre d’étiages n’augmentera pas, mais ils seront plus longs et intenses, et que par conséquent plus d’usages en seront impactés. On prévoit une intensification des épisodes d’étiage de 10% de 2021 à 2050. Scénario pessimiste pour 2021-2050 : le débit diminue de -7 à -14% avec l’augmentation des périodes de retour = Prolongation significative des durées des étiages

Combinés à une augmentation de la température de l’eau, les étiages poseront plus de difficultés aux usagers du Rhin, d’autant plus que les exigences des usagers augmentent et que leur nombre est croissant.

Impacts du changement climatique sur la qualité de l’eau

Le changement climatique aura également des conséquences négatives sur la qualité de l’eau : les inondations entraînent une mobilisation des sédiments pollués, l’augmentation de la température de l’eau a des conséquences sur la minéralisation et la dénitrification et la baisse des débits augmente la concentration en polluants dans l’eau. Les inondations sont également problématiques pour la navigation, en raison des questions des tirants d’air sous les ponts (passage des bateaux sous le ponts) et des dangers de navigation liés aux débits élevés.

Inondations:

  • Risques (directs) pour les personnes et les biens, pertes/dommages économiques
  • Navigation limitée/stoppée (problèmes logistiques, d’approvisionnement)
  • Activités économiques limitées/stoppées

Etiage:

  • Approvisionnement en eau potable moins sûr
  • Augmentation de l’intrusion saline dans le delta
  • Agriculture (réduction irrigation, …)
  • Production d’électricité réduite
  • Navigation (niveaux d’eau trop faible) et activités économiques liées
  • Sécurité: instabilité des digues de tourbes (NL)

Stratégie d’adaptation

Face aux problématiques du changement climatique, des mesures devront être prises pour améliorer la quantité et la qualité de l’eau et des écosystèmes dans les années à venir. Face à l’augmentation des inondations, un plan de gestion des risques d’inondations a été mis en place en 2015 par la Directive Inondation de l’Union Européenne. Une application mobile, « Meine Pegel » a également été développée : http://www.hochwasserzentralen.de/

CIPR incite à la mise en place de stratégies gagnant-gagnant qui contribuent à la fois à l’atténuation (des polluants, des gaz à effet de serre) et à l’adaptation : voir la Stratégie d’adaptation au changement climatique du DHI Rhin (Rapport CIPR 219, 2015)

Exemples :

  • Étudier la possibilité d’une plus grande rétention des crues / Synergie écologie et gestion des inondations
  • Réactivation des champs d’expansion : Pays-Bas (Nijmegen, room for the Waal)
  • Conception d’un monitoring opérationnel des étiages du Rhin : http://undine.bafg.de/
  • Développement d’un Atlas du Rhin (cartes des Zones Inondables) : vers une meilleure diffusion des connaissances et des alertes sur les épisodes d’inondation

 

Télécharger la présentation d’Adrian Schmidt-Breton

stratégie d'adaptation du Rhin

III/ Développement des techniques de construction de navires

Présentation de Joachim Zöllner (Centre de développement des navires DST de transport)

Joachim Zöllner a présenté l’évolution de différentes techniques de construction de bateaux.

Historique

Joachim Zöllner a d’abord présenté différents types d’hélices et leurs effets sur la propulsion : avec ou sans buse, plus ou moins courbées, avec un diamètre augmenté pour avoir un meilleur rendement etc. Selon le type d’hélice, il est possible de transporter jusqu’à 13 tonnes de marchandises. Certaines hélices ont une puissance de 300 Kw/m2 et d’autres atteignent 400KW/m2. L’évolution des techniques de construction d’hélices permet de faire avancer des navires de plus en plus grands. Certains bateaux ont également deux hélices, ce qui permet de prendre l’eau par les côtés. D’autres ont une 3e hélice.

 

Joachim Zöllner a ensuite retracé l’historique de la construction de bateaux : du bateau typique des années 50 à celui des années 70, avec d’abord des poupes typiques, puis carrées permettant de gagner en espace, puis des modèles combinant les deux.

Il a également présenté une nouvelle méthode qui consiste à répartir les pressions sur le bateau, des navires comportant des tunnels qui se plient et se déplient pour éviter que de l’air rentre dans les hélices.

    Système avec tunnels                                                                              Système sans tunnels

Globalement, on constate une amélioration des performances des bateaux de 30% par rapport à il y a 30 ans. Les évolutions techniques sont encouragées. Il existe d’ailleurs des fonds pour encourager les bateliers à changer la partie inférieure de leur bateau et améliorer ainsi ses performances de déplacement.

Perspectives d’avenir

Joachim Zöllner a présenté différentes pistes possibles pour le bateau du futur : moins énergivore et moins polluant et permettant de naviguer malgré les périodes d’étiages.

Tout d’abord, de nouvelles techniques de propulsion devraient être développées, notamment par l’ajout d’équipements motorisés en vue de couvrir les besoins en cas de crue et d’étiage.

D’autres pistes possibles ciblent la mise en place d’équipements de traitement des gaz d’échappement, toutefois délicate sur les vieux bateaux. On parle aussi d’utiliser des piles à combustible.

Enfin, l’optimisation de la vitesse de navigation (smart steaming) devrait conduire à une diminution la  consommation et des rejets polluants.  A Duisburg, est d’ailleurs testée la mise en place d’un système de capteurs pour contrôler l’optimisation du déplacement du bateau.

 

Télécharger la présentation de Zöllman (en allemand)

 

 

IV/ Les effets des étiages sur la navigation

Présentation du Dr Norbert Kriedel (Commission centrale pour la navigation du Rhin) 

Le Dr Norbert Kriedel, de la Commission centrale pour la navigation du Rhin, a ajouté des éléments au débat, en présentant différents graphiques sur l’impact des sécheresses sur les niveaux, débits et températures du Rhin ainsi que les répercussions sur le transport fluvial.

Dans les situations de sécheresse prolongées induisant des basses eaux, la navigation fluviale est limitée : les barges doivent naviguer avec un plus faible tonnage et le croisement de deux bateaux peut être impossible (ex : épisode de sécheresse en 2018). Le tonnage par bateau doit être réduit ainsi que le nombre de bateaux en navigation simultanée. Ces conditions engendrent une augmentation des coûts de transport sur le Rhin.

graphique

Ce graphique illustre la corrélation entre l’augmentation importante des prix et les tonnages transportés.

En conclusion, la baisse du niveau d’eau entraîne une baisse du trafic rhénan et une augmentation du tarif de fret fluvial. Le changement climatique risque donc d’induire une augmentation des coûts du transport fluvial sur le moyen terme : environ 4% d’augmentation d’ici 2050 et 9% d’ici 2070. De plus, la baisse des niveaux d’eau impose de réduire le tonnage par bateau, ce qui correspond à environ à une baisse de 20-30 % du chargement.

 

résumé low flow

 

 

Télécharger la présentation de Nordbert Kriedel

étiages

V/ Table ronde

La deuxième partie du séminaire consistait en une table ronde rassemblant divers acteurs qui travaillent en relation avec le Rhin :

 

Les échanges ont permis d’aborder les sujets suivants :

  • Le trafic de marchandises sur le Rhin (fluctuation selon les conditions météo-climatiques)
  • La réduction du niveau d’eau induisant une baisse de capacité d’utilisation du Rhin (pour divers usages : transport, production électrique)
  • La corrélation entre la réduction du volume de transport (liée au niveau et débits d’eau) et l’augmentation des prix de transport
  • La problématique de la production d’énergie hydroélectrique et nucléaire sur le Rhin face au changement climatique (l’augmentation de la température du Rhin est problématique pour la production d’énergie)

Ces problématiques combinées pourraient entraîner une réduction de la compétitivité du transport fluvial rhénan à moyen et long terme.

 

Le débat a souligné la nécessité d’atténuer les problèmes liés au débit de l’eau sur le Rhin, afin de préserver la compétitivité de la  navigation fluviale rhénane. Des stratégies d’adaptations pérennes combinant  une adaptation technique des bateaux et des infrastructures fluviales et portuaires et l’adaptation de la réglementation doivent être engagées. Une solution évoquée par un intervenant pour pallier le manque de débit serait d’utiliser le réservoir qu’est le lac de Constance en Suisse, mais il est peu probable d’aboutir  à un accord permettant cette solution. Par ailleurs, il a été mentionné que la proportion du fluvial dans le transport de Fret reste limitée et devrait être développée. Le Rhin a pourtant l’avantage d’offrir des capacités de développement contrairement aux routes qui sont congestionnées et dont les utilisateurs (camions) sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre.  Il est également important de renforcer et développer la multi-modalité du fluvial. Par ailleurs, le fluvial possède des atouts pour limiter la consommation des ressources énergétiques et s’avère essentiel pour assurer la transition écologique.

La problématique de l’infrastructure portuaire a également été abordée avec comme principaux points :

  • La demande politique faite aux ports de satisfaire les besoins des usagers tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en respectant son modèle économique. C’est un dilemme pour les gestionnaires de ports (besoin d’innovation, de financements, de soutiens politique, etc.);
  • La compétitivité du transport fluvial, favorisé par exemple grâce au développement d’une infrastructure numérique, par exemple avec IRIS, service d’information de gestion du trafic en temps réel.

D’autres solutions ont été discutées concernant l’adaptation au changement climatique :

  • Taxer les entreprises qui ne font pas d’efforts pour s’engager dans la réduction des émissions de Co2
  • Mieux former les pilotes par rapport au changement climatique pour réduire les gaz à effets de serre (éco-conduite)
  • Mettre en place des politiques climatiques et énergétiques qui encouragent l’hydroélectricité
  • Réaménager le Rhin dont les aménagements hydrauliques sont trop datés et pas adapté aux étiages et inondations
  • Innover et expérimenter de nouveaux carburants comme le gaz liquéfié

 

En conclusion, pour pouvoir continuer à se développer durablement en tenant compte des contraintes environnementales, l’activité fluviale doit tenir compte du changement climatique et doit innover pour s’adapter. Selon les intervenants, le transport fluvial reste un moyen de transport favorable pour l’environnement et permet de transporter des marchandises dans des conditions optimales. Les acteurs du secteur fluvial gagneraient à collaborer et à s’unir davantage, afin de maintenir la compétitivité de ce mode de transport,  tout en préservant l’environnement.

Contacts : p.hell@alsacie.cci.fr / a.amat@alsace.cci.fr

 

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