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Des épisodes de sécheresse

qui s’intensifient en gravité et en fréquence : une expression
du changement climatique à l’échelle du Rhin Supérieur ?

Ces dernières années, la région du Rhin Supérieur a traversé plusieurs épisodes de sécheresse préoccupants, qui se sont parfois prolongés en automne (c’est le cas de 2016 et 2018). Cette situation pourrait se produire plus fréquemment à l’avenir, surtout en été, et exacerber les risques écologiques et socio-économiques qui y sont associés.
Les conséquences écologiques sont visibles, en particulier dans les forêts des Vosges et de la Forêt Noire où de nombreux arbres ont été endommagés par le stress de sécheresse de ces dernières années. Et les conséquences économiques sont importantes.

Exemples récents dans le Rhin Supérieur

En 2011, une sécheresse de printemps exceptionnelle a été l’événement le plus fort depuis au moins 1958 pour les déficits d’humidité des sols sur 3 mois.
En 2018, la sécheresse estivale se prolonge en automne de façon très
exceptionnelle, battant en octobre et novembre les records de SWI* les plus bas enregistrés depuis 1958. L’année 2018 est finalement  classée comme la 4ème année la plus sèche et la plus chaude en Allemagne, et la première année la plus chaude en France et en Alsace depuis le début des relevés météorologiques vers 1880.

Témoignage d’une entreprise agroalimentaire : « La qualité c’est toute une histoire aussi mais il faut surtout la quantité. Il nous faut de l’eau. […] On a transpiré en 2011. Il n’y avait plus d’eau dans le lac. »

De part et d’autre du Rhin, la presse témoigne...

« Les éleveurs manquent de fourrage. Les cultivateurs ne peuvent pas semer pour l’hiver. Des restrictions d’eau persistent dans de nombreuses communes. L’Alsace souffre du déficit de pluie depuis le début de l’année. Et octobre n’a pas commencé sous de meilleurs auspices. » DNA – 11 OCTOBRE 2018

 
« À la mi-octobre, le R hin r essemble à un filet d’eau. A près des mois de sécheresse, le niveau à Maxau a atteint un creux de 3,15 mètres, un niveau qui n’avait pas été atteint même durant l’été 2003, un record. » DER SONNTAG – 21 OCTOBRE 2018
 

« Par ailleurs, les bas niveaux d’eau du Rhin dus à la sécheresse ont entraîné des restrictions à la navigation. Les ports de Breisach et Weil signalent une baisse des transbordements dans le trafic marchandises. » BADISCHE ZEITUNG – 20 OCTOBRE 2018

« De nombreuses stations-service allemandes sont actuellement à court de carburant. Ceci est principalement dû à la persistance d’un niveau d’eau bas sur le Rhin. Les goulets d’étranglement de  l’approvisionnement s’expliquent principalement par le faible niveau du Rhin, a déclaré un porte-parole du leader de l’industrie des stations-service, Aral. «Il n’y a pas assez de carburant dans les parcs de réservoirs le long du Rhin, car les camions-citernes ne peuvent transporter que la moitié de l’essence et du diesel, voire moins.» DNA – 11 OCTOBRE 2018

 

« L’informatique a également réduit la puissance du réacteur nucléaire Fessenheim 2, non loin de la frontière allemande. L’objectif était de limiter le réchauffement en refroidissant l’eau du Grand
Canal d’Alsace, parallèle au Rhin, qui s’écoule à l’arrière. La sécurité n’est pas affectée.» HANDELSBLATT – 03 AOÛT 2018.

Fig. 1: Diminution des précipitations en été dans le Rhin supérieur par rapport à la période de référence 1971-2010, à l’horizon 2021-2050, et pour le scénario modéré (scénario RCP4.5).

Comment caractériser
les sécheresses ?

Par des paramètres comme l’humidité des sols, mais aussi des saisonnalité… aussi parle-t-on de profils saisonniers des sécheresses. Et enfin par leurs conséquences environnementale et socio-économiques.

La mesure de l’humidité des sols est équipée d’un indicateur !

Un indicateur généralement utilisé pour caractériser les sécheresses est l’humidité du sol superficiel. Le SWI, Soil Wetness Index, indice d’humidité des sols, calculé par modélisation, représente pour une plante le ratio entre le contenu en eau disponible dans le sol et sa valeur maximum. Il varie entre 0 (sol extrêmement sec) et 1 (sol extrêmement humide).

Les épisodes de sécheresses correspondent à un déficit en eau qui dépend de l’évolution des précipitations en climat futur

Évolution des précipitations en climat futur

La disponibilité de la ressource en eau dépend essentiellement des précipitations. Les précipitations totales annuelles seront peu différentes en
climat futur de ce qu’elles sont aujourd’hui. Les projections climatiques
les estiment un peu plus importantes en scénario pessimiste.
Dans tous les cas de figures (scénario pessimiste comme optimiste), la répartition saisonnière de ces précipitations sera modifiée : les hivers seront plus humides et les étés plus secs.

Sécheresse des sols en Alsace

Evolutions futures

Le graphique montre que l’humidité moyenne du sol diminue en toutes saisons. À horizon lointain (2071-2100), la baisse projetée est plus forte qu’à horizon proche (2021-2050).
La période de sol sec (SWI<0,5) s’allonge de 1 à 3 mois, tandis que la période humide (SWI>0,9).se raccourcit. Les évolutions prévues sont :

• Une aggravation des sécheresses météorologiques estivales, avec d’ici la fin du XXIe siècle une hausse de plus de 50% du nombre maximum de jours secs consécutifs en été

• Une aggravation des sécheresses agricoles au cours du XXIe siècle, qui concerne toutes les saisons (surtout scénario pessimiste), sous l’effet de la hausse d’évaporation, et pourraient devenir « extrêmes » à horizon 2080 (plusieurs années)

• Une baisse des débits moyens annuels des fleuves au cours du XXIe siècle allant de 25% à 40% en médiane à la fin du XXIe siècle, selon le scénario (source IRSTEA).

Profils saisonniers
et leurs conséquences

• Sécheresse hivernale : affecte en priorité le remplissage des nappes phréatiques.
• Sécheresse printanière : fort impact sur la végétation et les milieux vivants aquatiques.
• Sécheresses pluriannuelles : cumulent ces effets, fort impact  écologique et économique.
• Sécheresses estivales : elles peuvent accompagner une vague de chaleur. Les températures élevées amplifient l’évaporation et accentuent l’assèchement des sols, des cours d’eau et des lacs, ainsi que le stress hydrique des végétaux.

Avec l’élévation des températures, l’évaporation va augmenter et contribuer à un assèchement progressif des sols, surtout en été. En outre, on peut s’attendre à une augmentation des périodes sèches en été, ponctuées par de violents épisodes orageux avec de fortes précipitations.

Traductions écologiques
et conséquences
socio-économiques

• Recharge insuffisante des nappes phréatiques, niveau réduit des lacs, débits faibles des cours d’eau
• Dégradation des écosystèmes aquatiques, nécrose des végétaux, risques de feux de forêt
• Concentration élevée de polluants dans les rivières
(rejets industriels) en raison d’une dilution plus faible des eaux usées de l’industrie et des ménages
• Érosion des sols et fissuration des bâtis (sols argileux)
• Dégradation des espaces verts urbains

 
 

Répercussions possibles
pour les entreprises
du Rhin Supérieur

• Débit faible des rivières, en particulier du Rhin
– Transport fluvial : capacité de transport réduite, passage à la route et au rail (si possible),
– Retards dans la circulation des marchandises,
– Augmentation du prix des marchandises en vrac, par exemple de l’essence,
– Problèmes de livraisons et d’approvisionnement en matière première, par exemple le charbon pour les centrales électriques au charbon.

• Niveau exceptionnellement bas de la nappe phréatique
– Prélèvement d’eau réduit, par exemple pour l’irrigation et comme eau de refroidissement dans l’industrie,
– Hausse des prix de l’eau potable et de l’eau de process,
– Augmentation des concentrations de polluants >>> mauvaise qualité de l’eau.
• Secteur de l’énergie
– Baisse de la production des centrales hydroélectriques en raison du faible ruissellement,
– Réduction de la production jusqu’à l’arrêt des centrales
nucléaires en raison du manque d’eau de refroidissement,
• Agriculture et élevage
– Besoin accru d’irrigation,
– Dommages aux plantes, pertes de récoltes (selon l’espèce et la variété de plante),
– Baisse des rendements en foin, achat d’aliments
pour le bétail, abattages d’urgence.
• Sylviculture
– Dégradation des arbres, en particulier des épicéas, mais de plus en plus aussi sur d’autres espèces,
– Danger d’incendies de forêt,
– Pêche : risque de mortalité des poissons dans les rivières et les lacs.
• Biodiversité
Risque de souffrance faune et flore, plus particulièrement des espèces à mobilité réduite (mortalité des poissons dans les rivières et les lacs)

Fig. 3 : Un exemple de traduction exemplaire d’un épisode de sécheresse dans le secteur de la logistique (transport fluvial), représenté par la chaîne d’impacts.

Des initiatives astucieuses, vertueuses et gagnantes

Photo : Bernd Schumacher
Photo : Bernd Schumacher

(in: https://www.ews-schoenau.de/energiewende-magazin/zur-sache/zwischen-duerre-und-starkregen/)

• Faire des mesures pour évaluer précisément le niveau des besoins en eau de l’entreprise.

• Intégrer ou améliorer des mesures
d’économie d’eau, comme par exemple :

Pas d’arrosage des champs aux heures les plus chaudes,

Vérifier régulièrement les conduites d’eau et les joints
d’étanchéité des robinets afin de prévenir les pertes d’eau,

Utiliser des appareils économiseurs d’eau, par exemple dans les cuisines de bureau, les WC et les laveries,

Ne laisser que les lave-vaisselle et les machines à laver fonctionner à pleine charge,

• Aménager des réserves d’eau (p.e. utilisation de l’eau de pluie),

• Recycler l’eau des processus qui en restituent
(en l’épurant éventuellement des résidus),

• Installer un osmoseur pour modifier la
qualité de l’eau pompée dans la nappe (PH de l’eau),

• Faire partie du SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) de son territoire, participer aux réunions de concertation avec d’autres acteurs locaux (distributeurs d’eau, collectivités, agriculteurs…),

Cultiver des espèces peu exigeantes en eau, plus résistantes à la sécheresse (pas seulement dans l’agriculture, aussi dans des jardins, des espaces verts, etc.).

Témoignages d’entreprises :

Une usine agro-alimentaire :
« On a besoin d’eau en quantité et en qualité. L’eau a un impact sur le goût. Si on n’a pas la bonne qualité d’eau, on arrête l’usine. »

Un fournisseur d’énergie :
« Les ouvrages hydrauliques produisent moins parce qu’il y a moins d’eau. »

Une entreprise de logistique (transport fluvial et ferroviaire) :
« Les basses eaux ne se produisent qu’à un niveau rhénan de 1,50 m près de Kaub. Mais déjà à 2 m ou 1,80 m nous pouvons charger moins de tonnage sur les bateaux. »